67. Ce chiffre ne sort pas d’un rapport technique ni d’un livre d’histoire. Au Danemark et en Islande, il marque la frontière officielle entre la vie active et la retraite, un seuil que peu de pays osent franchir. À l’opposé, en Asie centrale, des États comme l’Ouzbékistan autorisent encore un départ sous la barre des 60 ans.
Les écarts d’âge de départ à la retraite frappent autant à l’intérieur de l’Union européenne qu’à l’échelle mondiale. Ces choix n’obéissent ni à une règle démographique universelle, ni à une formule économique partagée. Ils découlent de priorités politiques, de compromis sociaux et parfois d’arbitrages inattendus propres à chaque pays.
Panorama mondial des âges légaux de départ à la retraite : quelles grandes tendances ?
Le vieillissement de la population bouleverse bien des équilibres, mais chaque pays trace sa route. En Europe, la moyenne dépasse les 64 ans pour le départ légal à la retraite. La France, après sa dernière réforme, rejoint ce train avec une barre fixée à 64 ans. Ailleurs, le contraste est saisissant : l’Indonésie, mastodonte démographique, a choisi de maintenir le seuil à 59 ans en 2024.
Prenons l’exemple de l’Indonésie. Quatrième nation la plus peuplée, elle profite d’un bonus démographique rare : plus de 70 % de ses citoyens sont en âge de travailler. Âge médian : 30 ans, loin des 42 ans français ou des 45 ans européens. Ce décalage pèse lourd sur les politiques de retraite. L’espérance de vie grimpe, dépassant désormais les 70 ans d’après la Banque mondiale.
Voici quelques repères pour saisir la diversité de ces situations à travers le monde :
- Europe : la plupart des pays fixent le départ autour de 64 à 65 ans.
- Indonésie : seuil abaissé à 59 ans, dans un contexte de jeunesse massive.
- Espérance de vie : plus de 70 ans en Indonésie, et bien davantage dans nombre de pays européens.
Entre l’enjeu de garder les seniors actifs et la nécessité de renouveler la main-d’œuvre, l’équation reste délicate. L’Indonésie, avec une croissance qui file à 5 % par an, doit composer avec l’allongement de la vie, la pression démographique et des niveaux de formation disparates. Départ anticipé ou prolongation d’activité ? Chaque pays tranche selon ses défis, ses ressources, et la structure de son économie.
Quels pays affichent les âges de retraite les plus élevés et pourquoi ?
Le Canada et plusieurs États du nord de l’Europe se distinguent par un âge de départ à la retraite particulièrement élevé. Au Canada, comme au Portugal, au Royaume-Uni ou en Nouvelle-Zélande, la barre est fixée à 65 ans. Mais ce chiffre ne dit pas tout : les départs effectifs se font souvent plus tard, entre prolongation d’activité et cumul emploi-retraite.
Regardons le Luxembourg ou le Liechtenstein. L’âge légal y est de 65 ans, mais la réalité du terrain pousse parfois les salariés à poursuivre au-delà, portés par des dispositifs attractifs. À l’opposé, dans des pays comme le Vietnam, la Russie ou la Macédoine du Nord, on part souvent avant 60 ans, reflet d’une espérance de vie plus courte et d’un tissu économique moins propice à l’emploi des plus de 55 ans.
Quelques exemples concrets pour situer les ordres de grandeur :
- Canada, Portugal, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande : seuil à 65 ans.
- Luxembourg, Liechtenstein : 65 ans également, mais départ effectif parfois plus tardif.
- Russie, Vietnam : limites autour de 60 ans, parfois moins.
Comment expliquer ces écarts ? Tout se joue entre pression démographique, solidité financière des systèmes de retraite, taux d’emploi des seniors et état de santé global de la population. Dans les pays riches, les contraintes budgétaires et le vieillissement imposent de retarder la sortie du marché du travail. En Asie ou en Europe de l’Est, l’économie, l’espérance de vie et la configuration du marché du travail dictent d’autres options. Les modèles nationaux évoluent, chacun sous la pression de ses propres équilibres, loin d’une harmonisation mondiale.
Conséquences pour les systèmes de retraite et la vie des citoyens
Décaler l’âge de départ à la retraite bouleverse la mécanique des systèmes de retraite et redessine la trajectoire des actifs. Plus on retarde la sortie du marché du travail, plus on soulage les caisses publiques et plus les pensions peuvent être sécurisées. Le taux de dépendance baisse, mais l’impact sur la pauvreté reste ambigu. En Indonésie, par exemple, les chiffres officiels parlent de 8,47 % de pauvreté, là où la Banque mondiale évoque 60,3 % de la population selon des critères plus larges.
Reste la question de la discrimination liée à l’âge. Telisa Felianty, économiste à l’université d’Indonésie, alerte sur les pertes de compétences causées par l’exclusion trop rapide des seniors. Les plus de 55 ans se heurtent encore à de fortes réticences, alors qu’ils pourraient jouer un rôle clé face au vieillissement.
Le contraste urbain-rural en Indonésie se lit aussi dans les chiffres :
- En zone urbaine, le taux de pauvreté plafonne à 6,7 %.
- Dans les zones rurales, il grimpe à 11 %.
Le débat ne faiblit pas. Dedi Mulyadi, gouverneur de Java-Ouest, est allé jusqu’à suggérer de conditionner les aides sociales à une vasectomie masculine. Une proposition aussitôt jugée « pas pertinente » par Jakarta, mais qui en dit long sur la tension autour du pacte social. Les réformes de l’âge de la retraite s’imposent, pressées par l’économie et par la société. Préserver les droits futurs dépendra de la capacité à garder toutes les générations actives, sans sacrifier l’équité ni la cohésion. Le défi ne fait que commencer.